Le Comte de Monte-Cristo - Tome IV by Alexandre Dumas

Le Comte de Monte-Cristo - Tome IV by Alexandre Dumas

Auteur:Alexandre Dumas [Dumas, Alexandre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction, Historique, XIXe siècle
Éditeur: Feedbooks
Publié: 1845-01-26T05:00:00+00:00


CII. – Valentine.

La veilleuse continuait de brûler sur la cheminée de Valentine, épuisant les dernières gouttes d’huile qui surnageaient encore sur l’eau ; déjà un cercle plus rougeâtre colorait l’albâtre du globe, déjà la flamme plus vive laissait échapper ces derniers pétillements qui semblent chez les êtres inanimés ces dernières convulsions de l’agonie qu’on a si souvent comparées à celles des pauvres créatures humaines ; un jour bas et sinistre venait teindre d’un reflet d’opale les rideaux blancs et les draps de la jeune fille.

Tous les bruits de la rue étaient éteints pour cette fois, et le silence intérieur était effrayant.

La porte de la chambre d’Édouard s’ouvrit alors, et une tête que nous avons déjà vue parut dans la glace opposée à la porte : c’était Mme de Villefort qui rentrait pour voir l’effet du breuvage.

Elle s’arrêta sur le seuil, écouta le pétillement de la lampe, seul bruit perceptible dans cette chambre qu’on eût crue déserte, puis elle s’avança doucement vers la table de nuit pour voir si le verre de Valentine était vide.

Il était encore plein au quart, comme nous l’avons dit.

Mme de Villefort le prit et alla le vider dans les cendres, qu’elle remua pour faciliter l’absorption de la liqueur, puis elle rinça soigneusement le cristal, l’essuya avec son propre mouchoir, et le replaça sur la table de nuit.

Quelqu’un dont le regard eût pu plonger dans l’intérieur de la chambre eût pu voir alors l’hésitation de Mme de Villefort à fixer ses yeux sur Valentine et à s’approcher du lit.

Cette lueur lugubre, ce silence, cette terrible poésie de la nuit venaient sans doute se combiner avec l’épouvantable poésie de sa conscience : l’empoisonneuse avait peur de son œuvre.

Enfin elle s’enhardit, écarta le rideau, s’appuya au chevet du lit, et regarda Valentine.

La jeune fille ne respirait plus, ses dents à demi desserrées ne laissaient échapper aucun atome de ce souffle qui décèle la vie ; ses lèvres blanchissantes avaient cessé de frémir ; ses yeux, noyés dans une vapeur violette qui semblait avoir filtré sous la peau, formaient une saillie plus blanche à l’endroit où le globe enflait la paupière, et ses longs cils noirs rayaient une peau déjà mate comme la cire.

Mme de Villefort contempla ce visage d’une expression si éloquente dans son immobilité ; elle s’enhardit alors, et, soulevant la couverture, elle appuya sa main sur le cœur de la jeune fille.

Il était muet et glacé.

Ce qui battait sous sa main, c’était l’artère de ses doigts : elle retira sa main avec un frisson.

Le bras de Valentine pendait hors du lit ; ce bras, dans toute la partie qui se rattachait à l’épaule et s’étendait jusqu’à la saignée, semblait moulé sur celui d’une des Grâces de Germain Pilon ; mais l’avant-bras était légèrement déformé par une crispation, et le poignet, d’une forme si pure, s’appuyait, un peu raidi et les doigts écartés sur l’acajou.

La naissance des ongles était bleuâtre.

Pour Mme de Villefort, il n’y avait plus de doute : tout était fini, l’œuvre terrible, la dernière qu’elle eût à accomplir, était enfin consommée.



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